Motivation du jury
Ce projet a séduit le jury par son idée de réhabiliter l’espace préexistant d’une église afin d’y cuisiner et d’y distribuer de la nourriture à destination des personnes les plus précaires. Le jury a salué l’engagement de cette démarche ainsi que la portée symbolique liée à la fonction précédente du lieu patrimonial. Le projet a pour but de donner une structure pérenne à un stand de distribution alimentaire existant et précaire de sorte à ce que « rien ne puisse le remettre en question ». Il a été apprécié que le projet soit, en plus d’un lieu de distribution alimentaire, une véritable cuisine partagée où sont préparés des repas une fois par semaine, créant ainsi du lien social et ouvrant le plus possible l’espace de l’église à celui de la ville et de ses habitants.
Le projet
La Stuttgart Cuisine Commune est littéralement fondée sur ce qui tombe du ciel, de plusieurs manière : Tout d’abord, il y a Harry’s Bude, une station temporaire de partage alimentaire qui fournit de la nourriture aux gens. Organiser ce système d’approvisionnement est un travail difficile, réalisé par beaucoup. Mais pendant un bref moment, nous voulons dire : Harry et ses collaborateurs fournissent de la nourriture qui tombe du ciel. Ensuite, il y a la pierre poreuse qui s’est détachée du bâtiment et est tombée au sol, devant laquelle l’architecture précaire de Harry a été installée : l’église Sainte-Marie. Toutes ces pierres ont succombé à la gravité, ont perdu leur cohésion, ont été brisées, éclatées, tombées, écrasées – Troisièmement, il y a les tuiles de toit émaillées uniques, qui sont fabriquées à la main et cuites par une artisane dans le sud de Stuttgart, et presque nulle part ailleurs, et qui en français portent le même nom qu’un fromage : La Brique. C’est le point de départ de notre idée de la Stuttgart Cuisine Commune ; ces trois éléments conceptuels : Le Caillou + Le Ciel + La Brique. L’essentiel : développer une architecture pour Harry’s Bude qui s’intègre à cet endroit, s’imbrique dans les murs, se connecte aux pierres, de manière à ce que rien ne puisse remettre cela en question. En même temps, créer la possibilité non seulement de distribuer de la nourriture, mais aussi d’avoir suffisamment d’espace, de stockage, de réfrigération et d’espace d’action pour gérer une Cuisine Commune et cuisiner ensemble une fois par semaine. C’est le rêve d’un lieu généreux, ouvert et pragmatique. Les pierres nous rappellent le concept de porosité de Walter Benjamin, que nous voulons appliquer à la situation de la cabane temporaire de Harry et de l’église en tant qu’institution. Le projet « Harry’s Bude en tant que Cuisine Commune – Cuisine Commune en tant qu’Architecture » vise à rendre le bâtiment de l’église perméable, accessible, ouvert et réceptif à son environnement immédiat : Harry’s Bude et la Österreichischen Platz. Il s’agit d’intégrer des moments de porosité dans des structures solides et de concevoir l’architecture comme une pratique d’intervention : un geste d’ouverture, de partage, de simultanéité et de rassemblement. C’est précisément parce que quelque chose se manifeste dans notre conception qu’il reste crucial de ne pas perdre de vue ce qui caractérise la cabane et le concept de Benjamin : « on évite le tamponné, aucune situation ne se
présente telle qu’elle est, pensée pour toujours, aucune forme n’affirme son ‘ceci et pas autrement’. Parce que rien n’est finalisé et complété. » La Stuttgart Cuisine Commune crée une perméabilité pour divers espaces d’action, en pensant à la cuisine comme un espace ouvert et un atelier, où des processus coproductifs créent un lieu vivant. Cela signifie, en pratique – où, avec Stefano Harney et Fred Moten, « les planificateurs font encore partie du plan » – « inventer les moyens dans une expérimentation commune, qui, dans chaque cuisine […], dans chaque couloir, sur chaque banc de parc […], lance l’arrivée des formes de vie […]. » C’est le rêve : tester l’action communale – en tant que cuisine – à cet endroit.
Biographie
Fanti Baum et Sebastian Klawiter travaillent à l’intersection de l’architecture, de l’art et de l’espace public. Ils réalisent des architectures spécifiques aux sites, des installations, des performances et des processus collectifs. En 2020/2021, ils ont été boursiers artistiques à l’Akademie Schloss Solitude. De plus, ils enseignent l’architecture, l’urbanisme, la scénographie et la performance en théorie et en pratique dans diverses écoles d’art depuis 2015. En 2022, ils ont remporté le prix de la ville de Munich pour l’art dans l’espace public.